Marie Patouillet : « Il faut lier l’activité physique et sportive à l’envie et au plaisir »
Invitée d’honneur de La Très Belle Finale, Marie Patouillet, double championne paralympique de cyclisme sur piste, nous a accordé une interview exclusive. Elle nous livre sa vision à la fois d’une athlète de haut niveau et de médecin généraliste sur le rapport entre sport et inclusion.
Marie Patouillet : En tant que personne née avec un handicap, quel a été le rôle du sport dans votre rapport à votre corps ?
Je suis née avec un handicap orthopédique non visible. Les médecins m’ont dit très tôt qu’un jour, je ne pourrais plus courir… Ce qui est le cas aujourd’hui. Pour faire face à cette échéance qu’on m’annonçait, j’ai essayé tous les sports que je pouvais. J’essayais un sport, puis je passais à un autre. Cela m’a permis de répondre sur le terrain aux moqueries et au harcèlement scolaire que je subissais, parce que, sur le terrain de sport, personne ne m’arrivait à la cheville ! Mais surtout, cela m’a permis de découvrir par moi-même mon corps (qui ne rentrait pas dans la norme), et non au travers du jugement et du regard des autres. Pour moi, c’est vraiment ce qu’apportent le sport et l’activité physique.
Marie Patouillet : Comment rendre l’activité physique et sportive plus accessible à toutes et tous au quotidien ?
D’abord en la détachant de l’idée de performance. Le sport de haut niveau - et je suis bien placée pour le savoir - c’est quelque chose de très particulier qui demande beaucoup d’engagement. Si l’on veut que les gens pratiquent plus d’activité physique et sportive, il faut d’abord que ce soit lié à l’envie et au plaisir, et pas à la performance qui implique la comparaison et le jugement de l’autre. Ensuite, il faut que les gens prennent conscience que l’activité physique et sportive est adaptable à tout type de corps et de handicap. Enfin, il faut montrer que c’est possible. J’aime beaucoup les programmes scolaires « savoir nager » et « savoir rouler à vélo ». Je suis même partenaire du second qui apprend aux enfants à circuler en ville en respectant les règles du code de la route.
Marie Patouillet : En tant qu’athlète et médecin, comment encouragez-vous vos patients et patientes à bouger plus chaque jour ?
J’essaie de leur faire comprendre l’intérêt pour eux de l’activité physique et de leur montrer que c’est facile d’atteindre un objectif de 30 minutes par jour. Si en partant au travail, vous descendez une station plus tôt et marchez dix minutes et que vous faites la même chose en rentrant, vous avez déjà fait 20 minutes d’activité physique. Il n’y a plus que 10 minutes à trouver dans votre journée. Ce n’est presque rien, mais cela aide à lutter contre la sédentarité et à mettre le corps en mouvement.
MARIE PATOUILLET EN 4 TEMPS
- Starting blocks : Marie Patouillet naît avec une malformation orthopédique au pied gauche qui limite ses mouvements et ses déplacements. Les médecins lui prédisent qu’un jour elle ne pourra plus courir.
- Top départ à 18 ans, elle intègre l’école du service de Santé des armées de Bordeaux, où elle étudie la médecine. C’est pendant son internat au Val-de-Grâce qu’elle découvre le cyclisme grâce à l’Étape du Tour, une course amateur.
- Course : après avoir soutenu une thèse sur la douleur chronique, Marie devient médecin généraliste et exerce comme remplaçante. En parallèle, elle se spécialise en vélo sur piste et se forge un palmarès d’exception : quintuple médaillée d’argent aux Championnats du monde sur piste, double médaillée de bronze aux Jeux paralympiques de Tokyo 2021, championne du monde sur route en 2022, vice-championne du monde 2024 en 500 mètres et double championne du monde en para cyclisme sur piste.
- Ligne d’arrivée : aux Jeux paralympiques de Paris 2024, elle remporte deux médailles en cyclisme sur piste) : l’argent en 500 mètres et l’or en poursuite individuelle. Elle s’apprête à reprendre son activité de médecin généraliste en janvier 2025.