Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien

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Ces études pharmaco-épidémiologiques mesurent le lien entre l'exposition à certains progestatifs (et, pour la seconde étude, selon plusieurs voies d'admission) et le risque de méningiome intracrânien.

Présentation

Ces études ont été conduites par le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare constitué par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (Cnam).

Réalisées à partir des données du système national des données de santé (SNDS), elles couvrent toutes les deux la période de 2009 à 2018.

La première étude mesure le lien entre une chirurgie pour un méningiome intracrânien et l'association aux trois progestatifs suivants :

  • acétate de cyprotérone ;
  • acétate de nomégestrol ;
  • acétate de chlormadinone.

La seconde étude évalue le risque de méningiome intracrânien opéré lié à l’utilisation de progestatifs par molécule et selon plusieurs voies d'admission.

Après avoir recueilli l’avis de leur comité d’experts, l'ANSM a établi des recommandations préliminaires afin d’encadrer le risque de méningiome intracrânien lié à certains progestatifs, lorsque l’utilisation de ces progestatifs est appropriée. Pour plus d'informations, consulter Risque de méningiome et progestatifs : recommandations générales pour limiter ce risque.

Première étude : acétate de cyprotérone, acétate de nomégestrol et acétate de chlormadinone

Contexte

Une association dose-dépendante entre l'utilisation de l'acétate de cyprotérone (Androcur et génériques) et le risque de méningiome intracrânien a été identifiée (Weill et al. BMJ 2021), mais les données pour d'autres progestatifs puissants sont rares.

Objectif

L'objectif de cette étude était d'évaluer l'association entre la chirurgie du méningiome intracrânien et l'exposition à trois progestatifs puissants : acétate de cyprotérone (≥25 mg/jour), acétate de nomégestrol (3,75 à 5 mg/jour) - Lutényl et génériques - et acétate de chlormadinone (2 à 10 mg/jour) - Lutéran et génériques.

Méthode

Dans cette étude cas-témoins sur la population résidente en France, les cas étaient des personnes ayant eu une première chirurgie intracrânienne pour méningiome. Chaque personne cas était appariée à cinq sujets témoins de même sexe, année de naissance et aire de résidence. L’exposition au progestatif a été définie comme l’utilisation d'un progestatif dans l'année avant de chirurgie pour les cas et à la même date pour leurs témoins.

Résultats

Au total, 25 216 personnes cas et 126 216 personnes témoins ont été incluses (75 % de femmes, médiane 58 ans). L’exposition à l’un des trois progestatifs a été observée pour 9,9 % des cas (2 497/25 216) et 1,9 % (2 382/126 080) des témoins, avec un rapport des cotes (OR) de 6,7 (intervalle de confiance, IC, à 95 % 6,3–7,1). L'OR était de 1,2 (1,0–1,4) pour une utilisation à court terme (de moins d'un an) et de 9,5 (8,8–10,2) pour une utilisation prolongée (un an et plus). Une forte association a été identifiée pour une utilisation prolongée (un an et plus) de l'acétate de cyprotérone (OR = 22,7, IC à 95 % 19,5–26,4), de l’acétate de nomégestrol (OR = 6,5, IC à 95 % 5,8–7,2) et de l’acétate de chlormadinone (OR = 4,7, IC à 95 % 4,5–5,3). L’exposition aux progestatifs a augmenté le risque de méningiome pour tous les grades histologiques et les sites anatomiques, en particulier pour les parties antérieure et moyenne de la base du crâne : OR = 35,7 (IC 95 % 26,5–48,2) et 23,9 (IC 95 % 17,8–32,2) pour l’acétate de cyprotérone. L’estimation le nombre de cas attribuables à l’exposition à l’un des trois progestatifs d’une première chirurgie du méningiome était la période de 10 années de 2 124 (IC à 95 % 2028-2220), soit 212 cas par an.

Conclusion

En conclusion, une association forte entre exposition prolongée à de puissants progestatifs et première chirurgie du méningiome a été observée. Le risque est augmenté de l’acétate de chlormadinone à l’acétate de nomégestrol puis à l'acétate de cyprotérone. 

Cette étude a fait l'objet d'une publication dans une revue scientifique à comité de lecture : Hoisnard L, Laanani M, Passeri T, et al. Risk of intracranial meningioma with three potent progestogens: A population-based case–control study. Eur J Neurol. 2022; 00: 1- 9, consultable sur le site Wiley Online Library.

Citer cette étude : Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare. Risque de méningiome intracrânien avec trois puissants progestatifs : une étude cas-témoin à partir des données du système national des données de santé (SNDS). Juillet 2022.

Seconde étude : progestatifs par molécule et selon plusieurs voies d'admission

Contexte

La précédente étude a montré que l'utilisation prolongée et à dose élevée de trois progestatifs (acétate de cyprotérone, de chlormadinone et de nomégestrol) augmentait fortement le risque de méningiome intracrânien. Cela a donné lieu à des recommandations de modération des prescriptions, et à des dépistages par imagerie cérébrale chez les utilisateurs. Au-delà de ces trois progestatifs oraux, il s’avère nécessaire de savoir s’il existe un effet similaire avec d’autres progestatifs, selon diverses voies d’administration.

Objectif

L'objectif est d'évaluer en vie réelle, chez les femmes, le risque de méningiome intracrânien opéré lié à l’utilisation de progestatifs par molécule (progestérone, médrogestone, acétate de médroxyprogestérone, dydrogestérone, promégestone, diénogest et dispositifs intra-utérins - DIU - au lévonorgestrel), et selon plusieurs voies d’administration (orale, percutanée, intra-vaginale, intramusculaire et en dispositif intra-utérin).

Méthode

Dans cette étude cas-témoins, à chaque cas ont été associées aléatoirement cinq femmes témoins qui n’avaient pas été opérées pour méningiome jusqu’à la date index, en appariant sur l’année de naissance et sur le département de résidence.

Pour les progestatifs délivrés par voie orale, percutanée, intra-vaginale ou intramusculaire, l’exposition a été définie par au moins une délivrance dans l’année glissante avant la date index. Pour les DIU, une délivrance a été recherchée dans les trois ans avant la date index pour le dosage à 13,5 mg de lévonorgestrel, et dans les cinq ans avant pour le dosage à 52 mg, selon les recommandations respectives en vigueur en matière de renouvellement et/ou retrait de dispositif.

18 061 femmes opérées d’un méningiome ont été incluses, appariées avec 90 305 femmes témoins (15 162 cas et 75 810 témoins pour les DIU à 52 mg sur une période restreinte 2011-2018, et 4 048 cas et 20 240 témoins pour les DIU à 13,5 mg sur une période restreinte 2017-2018).

Résultats

Les utilisations prolongées de promégestone 0,5 mg (OR - rapport des cotes - de 2,7), de médrogestone 5 mg (OR de 4,1), et d’acétate de médroxyprogestérone 150 mg (OR de 5,6) sont retrouvées associées au risque de méningiome. Il est à noter que la promégestone n’a plus d’autorisation de mise sur le marché - AMM - en France depuis octobre 2021.

Pour l’acétate de médroxyprogestérone, l’amplitude mesurée de risque relatif se situe au niveau de celle de l’acétate de chlormadinone (OR de 5,5) et en-deçà de celle de l’acétate de nomégestrol (OR de 7,5) et de celle de l’acétate de cyprotérone (OR de 24,5).

Le surrisque de méningiome est augmenté lorsque la durée d’utilisation de ces médicaments à la posologie autorisée par l’AMM dépasse un an, comme c’est le cas avec les acétates de chlormadinone (Lutéran et génériques), de nomégestrol (Lutényl et génériques) et de cyprotérone (Androcur et génériques).

A contrario, les résultats sur le DIU au lévonorgestrel 52 mg, un contraceptif largement utilisé, sont très rassurants et en faveur de l’absence de risque de méningiome. De même, l’utilisation de la progestérone (Utrogestan et génériques) par voie orale, intra-vaginale ou par voie percutanée, ainsi que de la dydrogestérone (Duphaston, Climaston) n’a pas été associée à un surrisque de méningiome (OR de 0,88, 1,11 et 0,96, respectivement).

Conclusion

Cette étude confirme à nouveau un effet de certains progestatifs sur le risque de méningiome intracrânien opéré. Des études complémentaires sur l’utilisation du diénogest, remboursé seulement depuis 2020, sont à envisager.

Citer cette étude : Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare. Utilisation de progestatifs et risque de méningiome intracrânien : une étude cas-témoins à partir des données du système national des données de santé (SNDS). Juin 2023.

Informations sur la publication

Propriété Valeur
Thème(s) médicaments et dispositifs médicaux ; pathologies
Mot(s)-clé(s) chirurgie ; hospitalisation ; système d'information
Collection Études pharmaco-épidémiologiques
Date de publication juin 2023
Auteur(s) Groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare
Fréquence de parution de la collection ponctuelle

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