Nouveau dispositif de lutte contre le renoncement aux soins

Dans un pays envié pour la performance de son système de santé, les difficultés d’accès aux soins demeurent, alors même que cet accès, garanti par la Constitution et reconnu comme un droit, est au coeur du modèle social français. Selon une étude menée dans 18 départements par l’Observatoire des non recours aux droits et aux services (Odenore), plus d’un quart des assurés interrogés dans les accueils de l’Assurance Maladie seraient concernés par des situations de renoncement aux soins. Un chiffre à prendre avec précaution mais qui témoigne de la réalité du phénomène.

Le non recours aux droits explique en partie ces difficultés d’accès aux soins : ainsi, seules 22 % des personnes éligibles à l’ACS - dispositif d’aide financière pour favoriser l’accès à une couverture complémentaire santé - avaient fait valoir leur droit en 2011 (1).

Les travaux menés en coopération avec l’Odenore ont permis de mettre trois constats clés en lumière :

  1. Les raisons financières constituent certes un frein majeur à l’accès aux soins (trois fois sur quatre) mais ne sont pas seules en cause.
  2. Une partie des assurés est en attente d’explications voire d’orientation dans un système de protection maladie et de soins perçu comme complexe.
  3. Les conséquences du renoncement aux soins sont multiples, à la fois en termes de santé mais aussi sur les plans professionnel, social, voire même familial.

De par son ampleur et ses conséquences multiples, le renoncement aux soins, source d’inégalités et de dépenses supplémentaires à moyen et long termes, devient un défi qui concerne la collectivité dans son ensemble.

Consciente de cet enjeu de santé publique et des risques qu’il constitue pour l’avenir de notre système de soins, l’Assurance Maladie se mobilise activement pour lutter contre le phénomène de non recours, via un Plan d'accompagnement du non recours, des incompréhensions et des ruptures (Planir), inscrit tout d’abord dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté en janvier 2013, puis repris dans l’axe 1 de la COG 2014-2017 (2), qui vise à « garantir à tous les assurés un accès réel aux droits et aux soins », avec pour enjeu de « favoriser l’accès aux droits et aux prestations, notamment pour les assurés les plus fragiles ».

Afin d’agir plus particulièrement sur le renoncement aux soins, elle déploie aujourd’hui progressivement, en lien avec la démarche Planir, un nouveau dispositif de lutte contre le renoncement aux soins : lancé sous forme d’expérimentation depuis novembre 2014, ce dispositif va être généralisé à l’ensemble du territoire à travers trois vagues successives du 1er avril 2017 à la mi-2018.

« Si les mesures nationales sont essentielles, la lutte contre le renoncement aux soins doit également s’appuyer sur un travail de proximité d’identification et d’accompagnement qui n’est effectif que sur le terrain. C’est pourquoi je considère nos actions locales comme un élément structurant dans la mise en oeuvre de nos engagements en faveur de l’accès universel aux droits et aux soins, » indique Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance Maladie.

En effet, l’action de proximité est destinée à compléter les mesures mise en place au niveau national pour faciliter l’accès aux droits et aux soins, telles que la Protection maladie universelle, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé… mais aussi les mesures conventionnelles visant à maitriser les dépassements d’honoraires, à lutter contre les déserts médicaux ou à faciliter un accès rapide aux médecins spécialistes.

Concrètement, lorsqu’une difficulté d’accès aux soins est repérée, la réponse de l’Assurance Maladie, avec l’aide de ses partenaires, consiste en un accompagnement cousu main à trois niveaux : un bilan exhaustif des droits aux prestations intégrant une explication approfondie de leurs usages (allant jusqu’à l’accompagnement dans la bonne utilisation du chèque ACS, par exemple) ; une orientation dans le système de soins (par exemple comment trouver un gynécologue ou bien où s’adresser pour effectuer un bilan de santé) ; un accompagnement au montage financier, construit le cas échéant par cofinancement de plusieurs partenaires pour faire face à des restes à charge auxquels la personne, en raison de son « reste pour vivre » (3), ne pourrait faire face.

Ce dispositif induit une nouvelle approche pour l’Assurance Maladie qui, au-delà de délivrer des droits ou des prestations dans une logique de « guichet », va au-devant des personnes qui méconnaitraient leurs droits administratifs et se charge également de repérer, en partenariat étroit avec les autres acteurs de la santé et du social, celles qui rencontreraient des difficultés pour accéder aux soins, voire qui renonceraient à se soigner. Ainsi les agents des caisses sont-ils désormais formés à détecter, lors de leurs échanges avec les assurés, leurs éventuelles difficultés de santé.

Le dispositif repose sur une coopération étroite avec les autres acteurs du tissu local, professionnels de santé, collectivités territoriales, centres communaux d’action sociale (CCAS), établissements hospitaliers, organismes complémentaires… au service de l’identification des situations sensibles et de l’accompagnement individualisé et proactif des assurés concernés. Ce sont eux, et non l’assuré, qui saisissent l’Assurance Maladie de ces situations problématiques.

Ainsi l’Assurance Maladie s’emploie-t-elle à restaurer le nécessaire continuum entre l’accès à l’information, l’accès aux droits et l’accès aux soins, condition d’une meilleure santé des personnes comme d’une meilleure santé du système de soins.

Dates clés
  • 2013 : Création du Baromètre du renoncement aux soins
  • Novembre 2014 : Première expérimentation dans le Gard (sous le nom de « Pfidass »)
  • Mai 2016 : Expérimentation étendue à 21 organismes
  • Avril 2017 : Généralisation du dispositif - 1re vague
  • Mi-2018 : Généralisation à l’ensemble du territoire

(1) S. Guthmuller, F. Jusot, T. Renaud, J. Wittwer, Comment expliquer le non-recours à l’Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ?, Irdes, Questions d’économie de la santé n°195, 2014 - http://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/195-comm….

(2) Convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et l’Assurance Maladie pour une durée de quatre ans, qui détermine les objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement pour les atteindre et les actions à mettre en oeuvre.

(3) Selon le Conseil national de lutte contre l’exclusion (CNLE), le calcul du « reste pour vivre » permet de savoir si les ressources d’un ménage permettent de compenser ses dépenses courantes et de faire face à ses différentes charges fixes. Pour beaucoup de ménages modestes, l’équilibre est structurellement impossible à réaliser (Rapport du CNLE, 2012).