Présentation de la Cartographie médicalisée des dépenses de santé

Afin de décrire au mieux les déterminants des dépenses de santé, en comprendre les évolutions et en maîtriser la progression, la Caisse nationale d’Assurance Maladie des travailleurs salariés présente son analyse médicalisée des pathologies et du recours aux soins en France pour l’année 2015 (1) qu’elle effectue chaque année depuis 2012 dans le cadre de son rapport annuel Charges et produits dès aujourd’hui.

Véritable outil d’analyse au service du pilotage du système de soins, complémentaire à d’autres sources existantes sur l’état de santé et le recours aux soins (2) de la population française, la Cartographie médicalisée a comme objet de quantifier, à partir des données du Sniiram (3) et du PMSI (4), quelles sont les pathologies ou les traitements les plus fréquents et les dépenses associées.

Elle permet de révéler des tendances durables comme le nombre croissants de malades ayant une ou plusieurs pathologies chroniques ; elle permet également d’apprécier le poids des innovations thérapeutiques sur le coût de certaines pathologies ou d’évolutions dans la prise en charge des patients, du fait du virage ambulatoire, par exemple.

Les résultats clés

En 2015, la Cartographie a étudié les soins consommés par les 57 millions de bénéficiaires du régime général (5). Pour 20 millions de personnes (35 % de la population), ce recours aux soins témoigne de l’existence d’une pathologie spécifique, fréquemment chronique, ou de la prise d’un traitement médicamenteux spécifique au long cours (plus de trois délivrances dans l’année).

En prenant en compte les maternités, les hospitalisations ponctuelles et certains traitements antalgiques ou anti-inflammatoires chroniques, ce sont 26 millions de personnes (45 %) qui recourent de façon significative au système de soins.

Pour le reste de la population, 31 millions d’assurés – soit plus d’un assuré sur deux-, la consommation de soins relève de soins courants - en dehors de tout contexte de pathologie ou traitement spécifique identifiable.

La fréquence des pathologies varie fortement selon l’âge - comme le montrent les courbes ci-dessous - et, dans une moindre mesure, le sexe. Ainsi, le diabète (+5 points entre 55-64 ans) ou les maladies cardioneurovasculaires (+9 points entre 55-64 ans) touchent plus précocement les hommes que les femmes. Les femmes, quant à elles, recourent plus tôt et plus souvent (6) aux traitements psychotropes (+ 6,7 points entre 55-64&bsp;ans). Plus que le sexe, c’est l’âge qui impacte le plus significativement la survenue des pathologies et le recours aux traitements.

Affectation des effectifs sur 4 pathologies ou traitement par âge et par sexe

Les grandes tendances observées depuis la création de la cartographie se confirment en 2015 avec le recours important et croissant aux hospitalisations ponctuelles (dont le motif ne peut être mis en lien avec une pathologie spécifique) – hausse expliquée par le vieillissement de la population ainsi que le poids de la santé mentale sur le système de soins.

Affectation des effectifs par types de soins
Type de soins Effectifs 2015 (en millions de personnes) Évolution 2012-2015 (en nombre de personnes) Dépenses (en milliards d'euros) Évolution 2012-2015 (en millions d'euros et en TCAM*)
Soins courants 31 316 +690 500 13,5 +941 / +2,4 %
Hospitalisations ponctuelles 7 827 +335 000 30,7 +2 120 / +2,4 %
Santé mentale (maladies psychiatriques + traitements psychotropes) 7 202 -102 600 19,3 +1 279 / +2,3 %
Traitements du risque cardiovasculaire 7 527 -245 000 5 -325 / -2,1 %
Maladies cardioneurovasculaires 3 766 +332 000 13,2 +1 206 / +3,3 %
Diabète 3 107 +254 300 6,8 +503 / +2,6 %
Cancers 2 519 +65 600 14,1 +1 568 / +4 %
Maladies respiratoires chroniques 3 050 +134 600 2,9 +150 / +1,8 %
Maladies neurologiques ou dégénératives 1 237 +83 300 5,5 +594 / +3,9 %

* Taux de croissance annuel moyen

Les nouveautés

Tout d’abord, la cartographie comporte cette année une lecture rétrospective sur une période de 4 ans - entre 2012 et 2015 - et non sur 3 ans comme auparavant - permettant de lisser dans le temps des évolutions conjoncturelles exceptionnelles, comme ce fut le cas lors de l’arrivée des nouveaux traitements de l’hépatite C dont l’impact financier a été particulierement important en 2014.

Globalement, deux phénomènes principaux expliquent la croissance des dépenses par pathologie : le premier est l’augmentation des effectifs de la population prise en charge, le second est l’augmentation du coût moyen de prise en charge. Ces phénomènes jouant de manière différenciée en fonction des pathologies, on retrouve des évolutions variables d’une pathologie à l’autre.

Ainsi, le nombre de personnes souffrant d’une maladie coronaire chronique a augmenté en France entre 2012 et 2015 (+2,5 %) alors que la dépense annuelle moyenne par patient traité a baissé pendant cette même période de 2,7 %. Cette baisse s’explique par une diminution des dépenses de médicaments liée à une baisse de prix de certains médicaments, comme les antiagrégants plaquettaires et une diminution des dépenses d’hospitalisations, concomitante à une hausse des soins infirmiers en ville, témoin possible d’un transfert de la prise en charge vers des soins en ambulatoire moins coûteux.

Inversement, dans le traitement du cancer du sein actif, on observe une hausse de la dépense moyenne de soins associée à la prise en charge des patientes, qui est passée de 11 288 euros par patiente par an en 2012 à 12 035 euros en 2015, tirée par le recours croissant à des médicaments nouveaux.

Les projections à 5 ans

Cette année, pour la première fois, les équipes statistiques et médicales ont élaboré des projections de l’évolution du nombre de personnes concernées par grande pathologie ou par traitement entre 2016 et 2020.

Au global, les projections font état d’une croissance du nombre de personnes concernées pour la plupart des pathologies dans les cinq ans à venir même si cette progression va connaître un ralentissement, du fait notamment d’une évolution démographique plus modérée ; ainsi, le nombre de patients atteints de maladies cardioneurovasculaires devrait pogresser de 2,7 % entre 2016 et 2020 contre 3,3 % entre 2013 et 2015.

Par ailleurs, les évolutions des effectifs varient d’un groupe de population à l’autre selon les pathologies et les traitements. Le nombre de personnes prenant des traitements psychotropes ou des traitements du risque cardiovasculaire va reculer respectivement de 8 % et de 6 %. Inversement, dans le cas du diabète, on verrait le nombre de personnes concernées par cette pathologie augmenter de 12 %, soit plus de 450 000 patients supplémentaires faisant passer les effectifs à plus de 4 millions en 2020, justifiant ainsi les actions conduites en termes de prévention et de maîtrise médicalisée.

D’ici à 2020, 580 000 personnes supplémentaires auront au moins une pathologie, un traitement au long cours, une maternité ou une hospitalisation ponctuelle.

Ces projections restent toutefois à prendre avec prudence ; en effet, si elles s’appuient sur les tendances d’évolution démographique modélisées par l’Insee, elles projettent pour les années à venir les tendances épidémiologiques observées aujourd’hui maintenues constantes.

Les 5 pathologies clés en termes d’effectifs – extrapolation tous régimes

Les 5 pathologies clés en termes d’effectifs – extrapolation tous régimes
Pathologies Effectifs*
en 2015
Effectifs
en 2020
Évolution
2015-2020

(en nombres
et %)
Dont
effet
démo.
Dont
effet
épidémio.
Maladies
cardioneurovasculaires
4 510 000 5 114 000 604 400 (13 %) 400 000 204 400
Diabète 3 695 000 4 151 000 455 300 (12 %) 285 800 169 500
Maladies
respiratoires
chroniques
(hors mucoviscidose)
3 563 000 3 904 000 340 500 (10 %) 153 300 187 200
Maladies psychiatriques 2 188 000 2 434 000 246 100 (11 %) 63 400 182 600
Maladies
inflammatoires
ou rares
ou VIH ou SIDA
1 148 000 1 383 000 234 800 (20 %) 44 500 190 300

*A l’exception de la Cramif Île-de France, qui ne gère pas les pensions de retraite, ces champs relevant de la Caisse nationale d’Assurance Vieillesse.

La méthodologie employée

Ces travaux s’attachent à « faire parler » les bases de données du Sniiram et du PMSI en affectant le recours aux soins à des pathologies identifiées avec l’aide d’algorithmes qui s’affinent d’une année sur l’autre ; cela a permis notamment d’affecter directement aux pathologies concernées les dépenses des séjours en établissement psychiatrique en 2015 et cette année, celles des séjours en soins de suite et de réhabilitation. De même, le champ des dépenses prises en compte s’est également enrichi au cours des années avec notamment l’intégration des dépenses relatives à l’hospitalisation à domicile en 2016.

En raison de ces changements, l’ensemble des résultats a été recalculé pour disposer d’une lecture à méthodologie constante depuis 2012. Ces recalculs expliquent les différences entre les résultats publiés cette année et ceux des précédentes éditions.

Tous les soins identifiés pour une personne - consultation, médicament, acte, examen, séjour en établissement… - codé dans les bases - sont combinés pour affecter de façon non exclusive cette personne à une ou plusieurs pathologies pour lesquelles elle est traitée. Ces 56 groupes de pathologies permettent par exemple d’identifier dans le cadre du cancer, 4 types de cancer (sein, prostate, poumon et colon), chacun différencié également suivant qu’il est en stade actif ou sous surveillance. Ces groupes de pathologies sont regroupées en 13 grandes catégories, c’est le cas notamment du cancer ou du diabète...

La cartographie identifie également le recours à des traitements comme les psychotropes ou ceux du risque cardiovasculaire (traitements contre l’hypertension artérielle ou hypolipémiants). La cartographie comporte enfin trois autres groupes supplémentaires : les hospitalisations ponctuelles, les traitements antalgiques et anti-inflammatoires fréquents (en dehors de tout autre motif considéré) et enfin le reste de la population considérée comme ayant uniquement des soins, non spécifiques, dits « courants ».

(1) Les données sur l’ensemble des hospitalisations tous secteurs étant consolidées plus tardivement que celles du Sniiram sur les soins de ville, la Cartographie donne des resultats sur l’année 2015.

(2) Telles que Les comptes de la santé de la Drees, le suivi épidémiologique de Santé publique France ou de l’INCa sur les cancers.

(3) Système interrégimes d’Assurance Maladie pour les soins réalisés en ville

(4) Programme de médicalisation des systèmes d’information pour les soins réalisés à l’hôpital, en clinique…

(5) Toutes les données présentées ici concernent les assurés du régime général y compris ceux des sections locales mutualistes soit 4 assurés sur 5 ; en effet, certaines informations ne sont pas disponibles pour les autres régimes. Quand cela était possible, des estimations tous régimes, résultant d’extrapolations statistiques, ont également été réalisées.

(6) En dehors de maladies cardioneurovascualires spécifiques, diabète et insuffisance rénale chronique terminale