Réactions de l'INSEE et des organismes de sécurité sociale aux propositions de la mission sur les fraudes sociales
À la suite de la conférence de presse tenue le 03/09/2019 au Sénat par la sénatrice Nathalie Goulet et la députée Carole Grandjean, les organismes de sécurité sociale et l’INSEE souhaitent rappeler les règles de fonctionnement et les principaux dispositifs existants pour l’immatriculation et le versement de prestations sociales.
Pour les personnes nées en France, dès l’enregistrement des naissances auprès des mairies, l’acte de naissance est envoyé à l’INSEE qui alimente le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP) pour attribution d’un numéro de sécurité sociale (NIR). Cette information est ensuite transmise et enregistrée dans le système d’information de la CNAV, le système national de gestion des identités (SNGI), qui répertorie les personnes relevant d’un régime français de sécurité sociale et diffuse les données à l’ensemble des organismes de protection sociale.
Pour les personnes nées à l’étranger qui demandent à être affiliées au régime de protection sociale français, c’est la CNAV, par délégation de l’INSEE qui, après examen des pièces justificatives communiquées, est en charge de l’attribution d’un NIR, via le SNGI. Cette information est ensuite transmise à l’INSEE pour enregistrement au RNIPP (répertoire national d’identification des personnes physiques) et diffusée aux organismes de protection sociale.
Il est important de préciser que l’attribution du NIR est uniquement un prérequis qui ne permet pas à lui seul de bénéficier de prestations sociales. La finalité du RNIPP consiste en effet à certifier l’état civil des personnes nées en France ou qui y résident à un moment de leur vie. Les personnes y sont inscrites ou retirées puis mentionnées comme décédées le sont uniquement sur la base exclusive d’actes d’état civil officiels, conformément à la réglementation qui encadre le fichier et à sa finalité. Il est donc cohérent que subsistent au sein du répertoire des personnes très âgées, vraisemblablement décédées à l’étranger,
pour lesquelles l’Insee n’a reçu aucun acte officiel. Il est aussi tout à fait normal que le nombre de personnes inscrites dans ce répertoire excède largement la population résidant en France.
Le maintien d’un NIR, même pour une personne dont le décès à l’étranger n’aurait pas été déclaré, n’emporte pas versement de prestations. En effet, pour chaque prestation sociale concernée, d’autres conditions sont requises telles que la condition d’existence, de séjour, de résidence, de ressources, etc… Les organismes de sécurité sociale, dans le cadre de leur politique de maîtrise des risques, s’assurent par la vérification des pièces ou dans les outils partenaires que ces conditions sont bien respectées.
Ainsi en ce qui concerne le contrôle de l’existence des assurés, pour les personnes résidant en France, les informations relatives aux décès sont transmises par les mairies à l’INSEE qui informe la CNAV pour la mise à jour des données du SNGI.
Pour les personnes bénéficiaires de prestations sociales exportables résidant à l’étranger, les caisses de sécurité sociale leur demandent systématiquement une fois par an des attestations d'existence (certificats de vie) qui doivent être complétées par l'autorité locale compétente et renvoyées aux caisses. Lorsque ces pièces ne sont pas communiquées ou que de fausses attestations sont détectées, le versement des prestations est aussitôt suspendu, conformément aux textes en vigueur. Pour ces mêmes personnes, un contrôle renforcé de l’existence est mis en oeuvre et s’appuie essentiellement sur le développement des échanges automatisés de données d’état civil avec les États membres de l’Union européenne, des échanges ponctuels d’informations et de signalements avec les postes consulaires, des contrôles sur pièces ou sur place via les consulats ou la mise en oeuvre de partenariats bancaires, ainsi que sur une mutualisation de la gestion des certificats d’existence entre organismes de sécurité sociale.
Pour les personnes vivant à l’étranger, la principale prestation pouvant leur être versée est la pension de retraite. Les constats du rapport portent notamment sur la population des centenaires : la proportion de pensionnés centenaires vivant en France ou à l’étranger est très faible et très loin des potentiels 14,7 millions de centenaires pouvant bénéficier de prestations de retraite. Au 30/04/2019, les chiffres des pensionnés du régime général étaient les suivants :
- sur un total de 13,2 millions de retraités vivant en France (DOM TOM inclus), seuls 13 605 centenaires étaient dénombrés (soit 0,10 % de ces retraités) ;
- sur un total de 1,2 millions de retraités vivant à l’étranger, seuls 1 517 centenaires étaient dénombrés (soit 0,13 % de ces retraités).
De même, en ce qui concerne la stabilité de la résidence et la régularité du séjour en France, un contrôle est mis en oeuvre par les organismes de sécurité sociale pour toutes les prestations soumises à ces conditions. À l’ouverture des droits, il est demandé de fournir des justificatifs de résidence. Afin de contrôler la réalité des données déclarées, les organismes de sécurité sociale procèdent à des contrôles sur pièces ou sur place et échangent de manière ponctuelle ou automatisée des informations entre eux et avec les administrations partenaires. Par exemple, des échanges ont lieu avec le ministère de l’Intérieur, la direction générale des finances publiques (DGFIP) et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Pour ce qui est du contrôle de la résidence des assurés, l’Assurance Maladie travaille avec la DGFIP pour croiser les informations relatives au domicile de ceux dont elle ne dispose pas de justification récente. En l’absence de réponse de l’assuré et de preuves suffisantes, elle procède à la fermeture des droits. En 2018, 1 million de personnes ont été concernées par cette procédure de contrôle.
De manière générale, il est important de rappeler que l’attribution d’un NIR comme le bénéfice de prestations sociales s’appuient sur la justification de l’identité et sur les documents fournis à l’appui des demandes (pièces justificatives). Les pouvoirs publics ont bien conscience des risques de fraude inhérents à ces processus. C’est pourquoi la lutte contre la fraude documentaire et à l’identité est l’une de leurs priorités et fait l’objet d’échanges réguliers avec le Ministère de l’Intérieur.
Sur la question spécifique de l’immatriculation des assurés nés à l’étranger, des audits réguliers sont réalisés en collaboration avec la Direction centrale de la Police aux Frontières (DCPAF) et le dernier contrôle a été effectué en 2018. 1 300 dossiers ont été examinés au titre des dossiers représentatifs des immatriculations de l’année 2017. Les conclusions communes entre la CNAV et la DCPAF montrent que les taux d’anomalies critiques sont compris entre 1 % et 1,3 % des cas et que seulement 0,2 % des cas ont justifié une procédure pour fraude. Le détail de ces contrôles figure dans le rapport d’information fait au nom de la Commission des affaires sociales du Sénat concernant les conséquences de la fraude documentaire sur la fraude sociale publié le 5 juin 2019 par le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe.
De même, sur la question de la fraude à la carte Vitale qui consiste à usurper l'identité d'une autre personne par l’utilisation de sa carte, de nombreuses mesures ont été prises depuis 2004 pour réduire ce risque et sécuriser le système d’émission des cartes et les facturations : liste d’opposition des cartes Vitale, nouvelle génération de cartes Vitale avec photo (Vitale 2), mise en place d’un portail inter-régimes qui permet d’éviter l’émission d’une nouvelle carte si l’ancienne n’a pas été restituée ou invalidée, mise en fin de vie des cartes Vitale dont les titulaires n’ont plus de droits ou dont les titulaires sont décédés ou radiés. Tous régimes confondus, 59,4 millions de cartes vitales actives étaient comptabilisées à la fin de l’année 2018. Depuis la création du dispositif, 42 millions de cartes ont été invalidées et donc désactivées. Elles n’ouvrent aucun droit en tant que tel et ne permettent aucun remboursement.
La politique de lutte contre la fraude mise en oeuvre par les organismes de sécurité spéciale est renforcée avec des objectifs fixés par les conventions d’objectifs et de gestion signées avec l’État. En 2018, la fraude détectée par l’ensemble des branches et régimes de sécurité sociale s’est élevée à 1,2 Md€, contre 860 M€ en 2014, soit une augmentation de près de 43 % en quatre ans. La moitié des fraudes détectées concerne les fraudes aux prestations de sécurité sociale. Ce résultat traduit la poursuite de l’investissement des organismes de sécurité sociale dans la prévention, la détection et la répression de la fraude aux cotisations et aux prestations de sécurité sociale.