Une mobilisation croissante pour lutter contre les fraudes
Les formes de fraudes subies par l’Assurance Maladie sont très diverses, en raison du vaste champ des dépenses de santé couvertes. Rappelons en effet que le système d’assurance maladie obligatoire couvre près de 69 millions d’assurés, des centaines de milliers de professionnels de santé libéraux et plus d’un million d’entreprises. Cela concerne aussi bien des usurpations d’identité, des falsifications d’arrêts de travail aux trafics de médicaments par les assurés que des surfacturations ou à la facturation d’actes fictifs de soins par des professionnels ou des établissements de santé.
Lutter contre les fraudes est d’autant plus important que celles-ci détournent une partie des moyens financiers destinés à la prise en charge de soins des patients. Si les fraudes sont le fait d’une minorité, lutter et sanctionner ce phénomène s’impose pour des raisons évidentes d’équité.
Pour cela, l’Assurance Maladie s’attache à progresser à tous les niveaux : modernisation des méthodes de détection et de contrôles, exploitation de nouvelles technologies, évolutions juridiques, renforcement des partenariats…
Lutte contre les fraudes à l’Assurance Maladie : 4 niveaux d’intervention
Si l’Assurance Maladie a toujours activement lutté contre les fraudes, cette lutte s’est intensifiée depuis 2022, grâce à une stratégie revue. Son ambition : Doubler les résultats obtenus, par rapport à 2019, pour atteindre 500 millions d’euros de fraudes détectées et stoppées en 2024.
Pour cela, l’action s’organise désormais à quatre niveaux :
Ce schéma présente les 4 niveaux d'intervention de la lutte contre les fraudes à l'Assurance Maladie :
1. Évaluer : connaître précisément nos risques pour mieux les maîtriser ;
2. Prévenir : être moins vulnérables en sécurisant davantage nos activités ;
3. Détecter et contrôler : moderniser nos outils de ciblage et de contrôle pour gagner en efficacité ;
4. Sanctionner : réprimer de façon mieux adaptée et plus rapide.
Afin de mettre en place les ripostes pertinentes, il est apparu essentiel d’estimer le plus précisément possible les pertes que les fraudes peuvent causer à l’Assurance Maladie.
De plus, cette évaluation permet de quantifier plus objectivement le phénomène, qui fait l’objet de chiffrages divergents et parfois sans fondements précis. Car chaque type de dépenses (remboursements de soins, factures…) peut générer des abus ou fraudes spécifiques, d’où une grande diversité des fraudes possibles.
Dès l’automne 2020, les services nationaux de l’Assurance Maladie ont débuté des travaux d’estimation chiffrée - poste par poste - via des méthodes statistiques robustes. Elles ont porté successivement sur la Complémentaire santé solidaire pour les assurés, et sur l’activité de plusieurs professions de santé libérales. En effet, près des 2/3 des montants de fraudes détectées s’observent chez ces derniers.
Mieux vaut prévenir que guérir ! L’Assurance Maladie déploie aussi différentes mesures de prévention pour empêcher les fraudes avant tout paiement :
- des milliers de contrôles automatiques pour s’assurer de la juste attribution des droits aux assurés ;
- des vérifications directement intégrées dans les systèmes de facturation, comme par exemple, la cohérence de la domiciliation bancaire ou l’absence de double paiement ;
- un accompagnement des professionnels de santé sur les règles de facturation : ainsi, depuis septembre 2021, tout nouvel infirmier qui s’installe est suivi par sa caisse primaire durant plusieurs mois pour l’aider à comprendre et appliquer les bons tarifs en vigueur.
La détection des fraudes et leurs contrôles ont également gagné en efficacité grâce à un important travail conduit sur l’exploitation des données de remboursements et de facturations. Celles-ci sont passées au crible d’outils d’analyse sophistiqués.
De même, le renforcement des échanges de données (information sur les ressources, données bancaires des assurés par exemple) et les partenariats avec les autres services de l’État permettent de détecter plus vite les cas de fraudes, mieux coordonner les investigations et les réparations demandées.
Si certains contrôles sont conduits chaque année, d’autres interviennent périodiquement (tous les 2 ou 3 ans). Mais quand de nouveaux schémas de fraude sont identifiés, de nouveaux contrôles sont déployés comme dans les centres de santé ou chez les audioprothésistes actuellement.
Les techniques de détection et d’investigation se sont, elles-aussi, améliorées pour faire face aux nouveaux risques, liés à la fois aux évolutions des modes de prise en charge (téléconsultations, tiers payant, 100 % Santé...) comme aux pratiques frauduleuses (achats d’arrêt de travail sur les réseaux sociaux...).
Sanctionner répond à 3 objectifs : faire cesser les pratiques déviantes au plus vite, lancer les procédures pour récupérer l’argent indûment versé et, enfin, dissuader les éventuels fraudeurs.
L’Assurance Maladie dispose pour cela d’un éventail de sanctions allant d’un simple avertissement à une pénalité financière. Elle peut aussi saisir la justice pour voir prononcer des amendes, voire des peines de prison. Quand ce sont des professionnels de santé qui fraudent, ceux-ci peuvent faire l’objet de sanctions spécifiques (perte de leur conventionnement ou interdiction d’exercice).
Ces dernières années, l’Assurance Maladie s’attache à sanctionner plus rapidement et plus lourdement les fraudes, particulièrement quand il s’agit de fraudes répétées ou quand les pratiques mettent en danger la santé des patients.
Des évolutions récentes permettent désormais à l’Assurance Maladie de pouvoir engager des procédures conventionnelles rapidement, pour faire cesser les faits frauduleux constatés. En 2023, cela a permis de déconventionner plus d’une vingtaine de centres de santé, dont les actes ne sont désormais plus pris en charge par l’Assurance Maladie.
L'Assurance Maladie mène une stratégie volontariste de sanctions contre les fraudes :
8817 fraudes sanctionnées en 2022. (contre 8411 en 2018 et 8077 en 2017).
Répartition par type :
- Avertissements : 34 %
- Pénalités financières : 30 %
- Saisies de la justice (plaintes pénales et signalements au Procureur) : 33 %
- Autres : 3 %.
Des moyens renforcés et renouvelés
Pour mener cette stratégie ambitieuse, l’Assurance Maladie dispose de différents moyens d’actions.
- Des effectifs et des expertises déployés sur tout le territoire : fin 2022, la lutte contre les fraudes s’appuyait sur 1 460 postes sur le terrain pour concevoir et déployer les actions. De nombreux métiers lui sont dédiés : statisticiens, enquêteurs, juristes, praticiens-conseils et agents agréés et assermentés. Et ces moyens humains vont être accrus d’ici à 2027.
- Un fort investissement dans les systèmes d’information : ceux-ci permettent de gagner en efficacité, grâce au recours d’outils sophistiqués de type big data pour la détection. Par exemple, via une carte des flux (mapping) permettant de mettre en évidence les liens entre médecins et pharmaciens et assurés, en cas de suspicion de trafic de médicaments.
- Le développement des services numériques en santé : ceux-ci permettent de mieux tracer les transactions et faciliter les contrôles. Ainsi, l’ordonnance numérique qui va devenir la norme en 2025 va rendre plus difficile la falsification des prescriptions.
- Les évolutions juridiques et réglementaires : au fil des ans, l’Assurance Maladie, avec les différents services de l’État, contribue à faire évoluer le cadre juridique existant pour faire progresser les techniques de détection et d’investigations.
- L’activation de tous les canaux possibles de détection : via le repérage de données atypiques de dépenses de santé ou de prescriptions comme l’exploitation de signalements d’assurés.
- Les partenariats renforcés avec d’autres acteurs clés (autres branches de la Sécurité sociale, police et gendarmerie, justice, impôts…). Car tous sont essentiels pour lutter plus efficacement contre les fraudes, notamment face aux fraudes en bande organisée.
- Le recours à des task forces, qui regroupent une équipe nationale et les experts de la lutte contre la fraude de terrain, et qui permettent une organisation du travail plus coordonnée et une plus grande réactivité face aux fraudes à enjeux. En 2021 et 2022, depuis la mise en place de ces task forces, le temps nécessaire aux contrôles dans les centres de santé a été divisé par deux.